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des joueurs d'exceptions!
bacrot |
Des joueurs d’exceptions :
Dans l’univers des échecs, il existe deux sphères talentueuses. La première qui nous permet de rêver car elle reste accessible si l’on a du talent et de la volonté. C’est celle qui réunit les meilleurs joueurs de notre pays. Lors des championnats de France, elle départage des joueurs d’excellences, plus talentueux les uns que les autres. En tant que passionnés que nous sommes, nous nous trouvons dans la sphère juste en dessous. La deuxième sphère est celle qui réunit les meilleurs joueurs mondiaux (l’élite planétaire).
Dans notre pays, deux grands champions s’affrontent : Bacrot et Lautier.
Lautier Bacrot
Ces deux champions représentent notre pays et je vous pris de croire qu’ils défendent nos couleurs avec talent dans la sphère mondiale.
Maintenant parlons de la sphère qui réunit l’élite de tous les pays.
Dans cette lutte au titre mondial, j’ai décidé de vous montrer un duel passé qui a marqué les échecs : Alekhine vs Capablanca.
Alekhine les deux Capablanca
Les deux furent champion du monde dans les années 40/50.
Quand on parle des échecs, son nom revient souvent : Bobby Fisher.
Cet homme est une légende des échecs.
Fisher
Les génies défilent à la place de numéro 1 mondial mais ils ont tous leur style, leur histoire, leur(s) livre(s),…qui les différentient.
Abordons maintenant le joueur qui a été un grand professeur en son temps : Max Euwe.
Euwe
Si vous êtes observateur, vous remarquerez que tous ces champions sont des hommes. Les échecs sont peut être un monde machiste ? Je vous répondrais : « non ». Même si cette dame n’a pas gagné les championnats mondiaux, elle mérite cette place à côté de tous ces talentueux joueurs : Judith Polgar.
Polgar
Pour continuer sur les joueurs de notre époque, le nom incontournable est bien sûr : Garry Kasparov. Cette homme qui fût champion du monde pendant longtemps et qui a perdu contre le programme Deep Blue… et relança ainsi le débat : la machine dépassera t elle l’homme ?
Kasparov
Passons à son rival malheureux : Karpov.
karpov
Une histoire merveilleuse arriva au grand maître Vladimir Kramnik. Il fût l’élève du géant Kasparov et c’est lui qui lui ravit la couronne.
Kasparov vs kramnik.
A l’heure actuel, Kasparov a pris sa retraite, la question se pose alors du successeur ! Avec Kramnik, je vois bien deux autres joueurs pour ce titre :
Anand Topalov
Et je me permet de rajouter un grand maître que j’adore : Josh Waitzkin.
Il répond à la maxime des mens : mens sana in corpore sano (un esprit saint dans un corps saint). En effet outre le fait d’être un talentueux joueurs d’échecs, il est 5° dan dans les arts martiaux. Les jeunes d’aujourd’hui devraient plutôt suivre des exemples comme celui la :
Waitzkin
Mens-tchecov
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cours d'échecs du GM Josh Waitzkin
A l'image d'un ballon d'hélium gonflant inexorablement jusqu'à exploser, une partie d'échecs disputée est fréquemment le théâtre d'un crescendo de tensions émotionnelles. Alors que les positions sur l'échiquier deviennent de plus en plus complexes, la tension monte progressivement jusqu'à un seuil critique, puis l'équilibre dynamique se rompt brutalement. Mais le plus souvent, le mental du joueur est le premier à vaciller sous le poids de cette pression croissante. Dans la vie de tous les jours, il arrive parfois qu'une irritation intolérable, comme une chanson cacophonique ou une faim dévorante, provoque des accès de colère ou d'agressivité. Si rien ne semble expliquer ces éclats en apparence, ils sont en fait le résultat d'une longue lutte intérieure. Lorsque deux joueurs d'échecs s'affrontent sur l'échiquier, il est fréquent que leurs états d'esprits respectifs soient fortement divergents. L'échiquier devient alors le théâtre d'une rencontre psychologique sous l'égide d'un langage commun : celui du jeu d'échecs. Voilà pourquoi il n'est pas rare de voir d'un côté un joueur calme et serein et de l'autre un joueur extrêmement nerveux. Notre préférence ira au premier.
Il y a de cela sept ans, Gregory Kaidanov, mon professeur d'échecs, m'a initié au concept de "maintien de la tension". Le principe de ce concept est qu'un joueur moins expérimenté cherchera le plus souvent à alléger la pression accablante pesant sur son esprit en réduisant la tension de la position. Diverses manœuvres sont possibles à cet effet : échanger du matériel, affaiblir sa structure de pions ou encore modifier la position de manière irréversible. A l'inverse, un joueur expérimenté préférera maintenir la tension psychologique car il est plus à même de gérer les situations difficiles. La plupart des positions d'échecs complexes sont auréolées d'une tension délicate et fascinante. Les deux joueurs peuvent améliorer progressivement leurs positions respectives mais le premier à céder du terrain se trouvera désavantagé lors du dénouement de la partie.
N'avez-vous jamais remarqué la façon dont un chat attrape une souris ou un lézard ? Le chat s'en approche doucement puis les deux animaux s'immobilisent. La proie est généralement la première à bouger et, à son premier mouvement, le chat fond sur elle à une vitesse extraordinaire. La souris a dévoilé ses intentions, elle a abattu ses cartes la première, et le chat n'a eu qu'à suivre la direction qui lui était donnée. Les chiens, quant à eux, ont tendance à être beaucoup plus exubérants et leur chasse en devient bien moins impressionnante. Ils aboient et se ruent aux trousses d'un écureuil qui peut très facilement s'échapper et grimper à un arbre.
Des années de travail sont nécessaires pour jouer aux échecs avec la patience, l'attention et la précision d'un félin. Mais je recommanderais un langage légèrement différent de celui de Kaidanov pour aborder le problème. Je ne mets pas en doute le fait que la notion de "maintien de la tension" représente ce qui se produit sur l'échiquier mais, d'un point de vue psychologique, je préfère "être présent". Après tout, la souris est perdue par la tension croissante (ou la peur) alors que le chat se tient prêt, tout simplement. J'ai toujours observé ce contraste dans ma vie de compétiteur, à la fois comme joueur d'échecs et comme expert en arts martiaux. Lorsque la pression monte, le compétiteur le plus expérimenté aura une prise de conscience accrue alors que son adversaire sera aux limites de l'explosion émotionnelle. Mais qu'est-ce qui explique cette différence ? L'intégralité de ce cours se penchera, entre autres, sur la question de savoir ce qui sépare le joueur moyen d'un compétiteur hors pairs.
J'espère avoir réussi à faire comprendre combien il était important d'entretenir la tension dans la partie qui m'opposait à Gregory Kaidanov. L'enjeu n'était pas des moindres puisque nous disputions une ronde décisive des championnats américains et la position était pénible à jouer. Nous mourions tous les deux d'envie de tenter une manœuvre audacieuse mais nous savions également que la meilleure façon de gérer la position était de laisser toutes les complications en suspens. La question qui vient naturellement à l'esprit est de savoir ce que ressentent différents joueurs lorsqu'ils sont confrontés à de telles positions. Sommes-nous tous sujets à trembler sous l'effet de la pression ou certains d'entre nous ont-ils plus de sang froid ? Je pense que la réponse à cette question réside dans l'approche philosophique élémentaire de chacun envers les échecs. Ne vous êtes-vous jamais demandé, après avoir consacré des années à votre travail, votre loisir préféré ou votre quête, pourquoi vous le faisiez ? Est-ce que je joue de la guitare ou aux échecs, est-ce que je lis ou j'écris dans le seul but de satisfaire mon ego ou de m'épanouir en tant qu'être humain ? Est-ce pour la gloire ou la sagesse ? Est-ce à la démarche ou au résultat que j'attache le plus d'importance ?
Les spécialistes en psychologie du développement ont effectué des recherches poussées sur cette question et sur l'effet du comportement d'un étudiant sur sa faculté à apprendre, puis à maîtriser son savoir. Le docteur Carol Dweck, un des plus grands chercheurs en matière de psychologie du développement et une femme avec qui j'ai eu le plaisir d'étudier à l'université de Columbia, distingue deux théories de l'intelligence : la théorie de l'entité et la théorie de l'apprentissage. Les élèves qui se reconnaissent comme des "théoriciens de l'entité" sont enclins à utiliser un langage tel que : "Je suis fait pour ça" et à attribuer leur réussite ou leur échec à un niveau enraciné et inaltérable d'aptitude, voire d'intelligence, à accomplir une certaine tâche. Les "théoriciens de l'apprentissage" sont davantage portés à décrire leurs résultats à l'aide de phrases comme "Je l'ai eu parce que j'ai beaucoup travaillé" ou "J'aurais dû travailler encore plus". Cette recherche étant très complexe et ne pouvant me lancer dans une explication en quelques paragraphes, je me limiterai à dire que, face à une situation difficile, les théoriciens de l'apprentissage vont chercher à s'élever au niveau de la partie alors que les théoriciens de l'entité, plus fragiles, vont être tentés d'abandonner.
J'ai longtemps préféré la question à la réponse. En fait, je ne crois pas vraiment aux réponses qui se veulent catégoriques car elles ouvrent souvent la voie à de bien plus vastes énigmes. J'envisage le périple de la vie comme un passage d'une question à une autre et j'ose espérer que nous continuerons à en poser sans cesse de meilleures. Peut-être pouvons-nous atteindre la vérité mais je crois que la notion de certitude est un dangereux péché d'orgueil. Le grand philosophe chinois Chuang Tsu affirmait que la reconnaissance arrête l'esprit. Lorsque nous donnons une valeur statique à l'objet de notre attention, nous perdons immédiatement la notion de nuances en évolution constante. Dans une partie d'échecs, à la seconde où nous pensons que c'est gagné, la position change de caractère et notre état d'esprit trop rigide ne peut s'adapter. De même, l'art des échecs renferme infiniment plus de valeur à mes yeux comme instrument de mon épanouissement en tant qu'être humain que comme chemin vers la gloire. Les accolades de mes semblables font pâle figure à côté du sentiment d'enrichissement profond que je ressens après une longue et intense journée d'étude. Ces valeurs m'ont probablement été inculquées dès mon plus jeune âge par la forte influence non-matérialiste et artistique de mon cocon familial, ou peut-être ai-je appris de compétitions d'enfance que la gloire est vaine car il y a toujours quelqu'un, que ce soit un rival ou le temps lui-même, pour vous faire descendre de votre piédestal solitaire.
Dans tous les cas, je crois que les joueurs sont sans cesse défaits par le matérialisme. Chaque fois que j'ai commencé à sentir la victoire et que mon imagination s'est laissée emporter par ce sentiment et par les réjouissances d'après tournoi, j'ai inévitablement détruit la position. De même, lorsque mes étudiants ont affirmé pendant l'analyse de leur partie : "A ce moment-là, je savais que je gagnais", ils ont inévitablement commis des erreurs qui ont permis à leur adversaire de revenir dans la partie. C'est également vrai lorsque les joueurs se disent : "il n'y a plus rien à faire désormais" ou "cette position est complètement perdue". Ils ferment ainsi leur esprit à la suite de la bataille et manquent nombre de chances de revenir dans la partie.
Penser au résultat d'une partie nous éloigne de l'instant. Votre conscience, tel un cerf-volant emporté par le vent, finit sa course dans un arbre. Soudain, votre créativité devient stérile. Le mouvement se fige. Le vent continue à souffler, mais cette fois, il souffle sans vous. Imaginez deux courants parallèles. L'un est votre conscience (le cerf-volant) et l'autre est la situation immédiate sur l'échiquier (le vent). Lorsque vous vous laissez emporter par des pensées matérialistes, votre courant s'arrête alors que la position échiquéenne continue. Le détachement qui en résulte est très dangereux et jouer dans ces conditions donne le sentiment de regarder dans un épais brouillard. Chose intéressante, j'ai remarqué que les premières choses à disparaître lorsque ce détachement intervient sont le sens du danger et d'alerte envers des possibilités légèrement inhabituelles.
Mais comment affronter notre tendance naturelle à penser à la victoire lorsque nous sommes en compétition et que le but évident est de gagner ? C'est une question difficile qui mérite d'être considérée avec attention. Tout d'abord, je recommanderais une relation avec les échecs qui soit axée sur la démarche plutôt que sur le résultat. Cela ne signifie pas que nous ne voulons pas gagner. Je suis un compétiteur dans l'âme et lorsque je joue, je joue pour gagner. Mais nous pouvons adopter une perspective plus large qui prend en compte un plus vaste processus de croissance et les conséquences à long terme de chaque instant. Par exemple, à l'âge de huit ans, j'ai perdu une importante partie dans la dernière ronde de mes premiers championnats nationaux. J'ai bien entendu été atterré sur le moment mais, en y réfléchissant bien, c'est certainement la meilleure chose qui ait pu m'arriver car j'ai travaillé toute l'année suivante et j'ai remporté les championnats qui suivirent. J'ai appris qu'il fallait mouiller sa chemise pour gagner comme j'ai appris à respecter le dur labeur. Au contraire, j'ai vu beaucoup de jeunes joueurs qui avaient connu tant de succès faciles qu'ils n'avaient jamais associé le travail à la victoire. Et lorsque les compétitions se sont inévitablement endurcies, ils ont tout abandonné parce qu'ils n'étaient pas prêts à se mettre au travail.
Que votre expérience avec les échecs se compte en semaines, en années ou que ce soit le fait de toute une vie, cet art vous apprend à mieux vous connaître. Si vous vous ouvrez à la démarche d'apprentissage, l'expérience n'en sera que plus enrichissante à bien des égards. Ne vous affligez donc pas devant la défaite, profitez plutôt de vos erreurs pour apprendre. Ne vous extasiez pas devant la victoire, conservez plutôt l'humilité du vrai apprenant. Les échecs ne sont pas une histoire de perfection. Si c'était le cas, le jeu perdrait beaucoup de son mystère et de son art et serait très rapidement remplacé par des ordinateurs. Les êtres humains peuvent accéder à la musique des échecs et la créer car le jeu est un pont vers notre créativité. Mais cette dernière est freinée par des pensées qui nous éloignent de la bataille.
commence à s'affirmer à la fois en tant qu'être humain et joueur d'échecs. Ce qui est frappant chez Lee, c'est qu'il a tendance à juger une position avec une finalité injustifiée, puis à manquer les opportunités qui s'offrent à lui parce que son esprit se ferme à l'éventualité même de leur existence. Il peut être intéressant de voir comment cette même tendance peut influencer des types de positions complètement différents les uns des autres. Penchons-nous sur la question.
Un jour, lorsque j'avais 18 ou 19 ans, je marchais sur la 33ème rue et Broadway dans la ville de New York pour me rendre à l'école PS 116 où je donnais des cours d'échecs. Toute personne ayant grandi à Manhattan sait qu'il est indispensable de bien regarder des deux côtés avant de traverser la rue, car les voitures passent au rouge et les cyclistes roulent souvent en sens interdit dans une rue à sens unique. Je dois l'admettre, j'ai moi-même été coupable de ce méfait. Pour survivre en ville, mieux vaut ne pas s'en remettre uniquement aux dieux des feux de signalisation. J'attendais donc sur le trottoir que le feu m'autorise à traverser, tout absorbé par les idées dont j'allais bientôt discuter avec mes étudiants, lorsque je vis une femme portant des écouteurs traverser la rue sans se préoccuper le moins du monde de la circulation frénétique qui régnait sur la chaussée. Juste au moment où elle regarda à droite, un cycliste venant de la gauche arriva dangereusement sur elle. Ce dernier eut le temps de s'écarter à la dernière seconde mais il la bouscula légèrement. C'était un moment décisif dans la vie de cette femme. Elle l'avait échappé belle et aurait pu facilement s'en tirer sans une égratignure si elle avait reculé sur le trottoir. Mais elle se retourna vers le cycliste qui s'éloignait déjà et se mit à maudire son impudence. Elle était là, tournant le dos à la circulation de la 33ème rue et de Broadway et s'en prenant à un cycliste qui venait d'accomplir un miracle pour l'éviter. Si cet instant pouvait être figé, l'image terrifiante qu'il véhicule serait à la fois une tristesse et un enseignement pour nous tous. Le protagoniste suivant fut un taxi à pleine vitesse : la femme fut heurtée par l'arrière et projetée dans les airs sur 3 mètres. Elle retomba sur un lampadaire et s'évanouit, gravement touchée. L'ambulance et la police arrivèrent sur les lieux et je me dirigeai enfin vers l'école PS 116 en espérant seulement que la femme s'en sortirait.
Retrouver présence d'esprit et lucidité après avoir fait une grosse erreur est chose difficile pour tous les compétiteurs et les joueurs. Les grands comédiens se trompent souvent dans leur texte mais ils improvisent pour retrouver leur jeu et se relancer dans la pièce. Ils se tirent d'affaire avec une telle facilité que les spectateurs ne remarquent que très rarement leur égarement. En outre, les plus grands savent tourner ces instants à leur avantage en élevant leur performance avec des improvisations pleines de spontanéité et de vie. Les violoncellistes, violonistes, joueurs d'échecs, acteurs, joueurs de basket et bien d'autres encore savent tous que les plus belles prestations sont souvent le fruit de petites erreurs. Les problèmes surviennent si le joueur entretient une relation de dépendance fragile avec son art basée sur la sécurité de la perfection ou de la duplication absolue. Une erreur peut alors briser la ménagerie de verre et un état de détachement troublé peut venir hanter la prise de décision. Cette situation est assez commune chez les joueurs d'échecs et le danger réside dans le fait qu'un petit clapotis peut vite se transformer en raz de marée si le joueur ne retrouve pas sa tranquillité d'esprit qui lui permet d'appréhender la nouvelle situation.
Aux échecs, cette spirale infernale peut prendre la forme d'un étrange attachement émotionnel qu'un joueur manifeste pour une évaluation passée. Supposons que votre position est bien meilleure que celle de votre adversaire mais que vous faites ensuite une erreur qui lui permet de revenir à égalité. L'égalité n'a rien de péjoratif en soi mais, à cause de la transition et du trouble qui en résulte dans votre esprit, vous pouvez être tenté de vous cramponner à la situation antérieure et rejeter toute variation dans laquelle vous êtes à égalité car vous conservez émotionnellement votre position de leader même si cette attitude ne trouve plus aucune justification objective. Le joueur s'enfonce alors dans une spirale infernale où se mêlent désespoir et rage de mieux, guidés par un excès de confiance vaine. Dans ces conditions, nous manquons totalement d'objectivité, et lorsque nous essayons de tirer d'une situation beaucoup plus que ce que nous sommes en droit d'attendre, nous ne faisons que l'empirer inexorablement. Notre vision ne cesse de se troubler à mesure que la position nous échappe et nous faisons des erreurs indignes de notre niveau. Bien souvent, tout ce dont un joueur d'échecs a besoin est une douche froide pour le sortir de sa léthargie. Avec de la pratique et une attention introspective, nous pouvons apprendre à nous sortir nous-mêmes de notre léthargie. Voici une partie pendant laquelle j'aurais eu besoin de quelque chose qui me ramène dans l'instant.
Le mode d'étude des échecs que je trouve le plus fascinant est celui qui implique une concentration en parallèle sur l'art et la vie. En étudiant en profondeur certains aspects des positions aux échecs, l'élève peut retirer l'essence de la situation et peut alors imprégner sa vie psychologique, sociale et professionnelle de cette essence. De la même manière, presque tous les moments intenses peuvent être compris de façon abstraite, ce qui peut se traduire par la progression d'une personne aux échecs. Cette idée pouvant paraître quelque peu fantasque si vous n'y avez jamais réfléchi, il existe des racines de processus d'apprentissage similaires qui remontent loin dans l'histoire de la sagesse humaine. L'homme a longtemps essayé de comprendre le cosmos en aspirant à se connaître lui-même plus en profondeur. Par exemple, dans la philosophie védantique hindoue, l'objectif ultime est l'harmonie avec Brahman. Or l'essence universelle est atteinte à travers la connaissance de l'Atman (le soi). Le fondement de cette idée repose sur le fait que tout être est un noyau du tout. Nous ne pouvons tout connaître d'un seul coup sur le monde. En apprenant à connaître ce noyau en profondeur, nous pouvons accéder à une connaissance approfondie d'une partie du grand mystère. Certains vont jusqu'à croire qu'il n'existe pas de distinction entre le micro et le macro.
Une légende du Chandogya Upanishad illustre bien cette idée : un père apprend à son fils comment découper le fruit du banian. Le petit garçon trouve des pépins. Le père demande alors à son fils de découper un pépin. Le petit garçon regarde mais ne trouve rien dans ce pépin de fruit de banian. Son père lui dit : "Mon fils, cette essence d'une pureté absolue que tu ne peux même pas voir, regarde comment elle a fait pousser ce banian. Crois-moi, mon fils, cette essence que tu ne peux même pas voir constitue l'identité du monde entier. La vérité, l'atman, le moi". L'apprentissage par la réduction est au cœur de cette légende. La sagesse dans le macrocosme, à travers le microcosme. Le concept "Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers" repose sur la capacité à reconnaître les connexions entre l'homme et l'univers. Pour moi, les échecs peuvent nous aider dans cette entreprise.
Avez-vous remarqué que le fait d'acquérir une certaine maîtrise dans un certain domaine vous aide dans les autres secteurs de votre vie ? Un joueur de basket-ball qui commence à percer et dont le jeu progresse deviendra vraisemblablement un meilleur joueur de base-ball. Non seulement il aura appris le basket-ball, mais son intelligence physique sera bonifiée. Passer un mois en mer peut vous aider à surmonter votre anxiété due à la vie urbaine. Vous êtes forcé de vous détacher de tous les contrôles externes rigides et de vous abandonner aux imprévus et aux mouvements de l'océan. En devenant un récepteur, au sens physique du terme, vous êtes plus en harmonie émotionnellement et plus détendu psychologiquement. Un enfant qui apprend sérieusement à jouer aux échecs sera plus à l'aise en mathématiques et en lecture. Ceci est dû au fait que l'enfant n'apprend pas seulement la manière de penser aux échecs mais plutôt la manière de penser et d'apprendre en général.
Au XIe siècle, le philosophe néo-confucéen Er Cheng Yishu a écrit :
Chacun doit étudier le principe d'une chose ou d'un événement en profondeur... L'univers et le moi sont régis par le même principe. Si vous comprenez l'un, vous comprenez l'autre. La vérité intérieure et la vérité extérieure sont identiques. Dans toute sa grandeur, il atteint le sommet des Cieux et la profondeur de la Terre. Mais dans son raffinement, il constitue la raison d'être de toute chose. L'élève doit comprendre les deux.
Pour moi, l'une des plus grandes vertus de cette quête est d'être capable de percevoir les connexions sous-jacentes entre des choses qui, à première vue, ne semblent pas liées. Le taoïsme, philosophie antique chinoise, obéit à une cosmologie basée sur l'interaction du yin et du yang, deux forces ou qualités complémentaires qui harmonisent notre existence. Le yin est l'essence de la réceptivité, de l'espace vide, de la non-agressivité. Le yang est l'énergie plus masculine, plus agressive qui semble prévaloir dans la sensibilité occidentale de nos jours. Dans le monde des échecs, Karpov est le yin du yang de Kasparov. Des années durant, les attaques sacrificatoires spontanées et pleines d'intuition de Kasparov n'ont pu être neutralisées que par la mystérieuse prophylaxie du jeu de Karpov. On peut considérer ces forces comme différentes mais les taoïstes, eux, diront que nous pouvons apprendre le yin par le yang ou, de façon encore plus abstraite, "apprendre le ceci par le cela". Tout bien réfléchi, cet étrange concept s'avère remarquablement convaincant. Un homme peut ne pas connaître l'eau jusqu'au moment où il est accablé par la soif. Combien d'enfants ont avoué n'avoir vraiment apprécié leur maison familiale que lorsqu'ils l'ont quittée pour entrer à l'université ? Qui d'autre qu'un malade en phase terminale connaît mieux la valeur d'une bonne santé ? Combien de fois ne sommes-nous pas capables d'apprécier ce que nous avons jusqu'au moment où cela nous fait défaut ?
La convergence des extrémités polaires, l'entendement d'une chose par son absence, le sens de l'interconnectivité de notre existence, toutes ces idées ont gravité dans l'humanité durant des millénaires et peuvent s'avérer des outils d'apprentissage remarquablement puissants si on les exploite. Je pourrais utiliser l'expression "apprendre le macrocosme par le microcosme". Les hindous recherchent le Brahman à travers l'Atman. Les néo-confucéens recherchent le principe d'une chose pour accéder aux mystères des autres choses. Les taoïstes explorent le yang grâce à une profonde connaissance du yin. Bien que ces idées aient été exprimées dans le monde entier au cours des 2500 dernières années, il est clair que la sagesse humaine a longtemps aspiré à trouver les connexions essentielles entre les aspects apparemment divergents de notre vie.
Mais quel est le lien avec les échecs ? C'est la base pour une approche globale de votre étude des échecs. Plus vous apprenez les échecs en profondeur, moins il y aura d'interférences pour bloquer l'expression pure de votre personnalité sur l'échiquier. Après tout, c'est de là que provient la richesse d'un combat d'échecs : des personnalités différentes s'affrontant dans la jungle noire et blanche. Au fur et à mesure que l'élève acquiert de la maturité, il va commencer à remarquer l'apparition de tendances similaires dans sa vie sociale, professionnelle et artistique. Ce phénomène peut s'ensuivre d'un processus de croissance qui s'ouvre vers de nombreux domaines. Marcher dans un couloir et être conscient de votre réaction lorsque vous passez près de quelqu'un peut faire de vous un meilleur joueur d'échecs. Etre conscient de votre crainte lorsqu'une situation d'échecs devient trop compliquée peut vous inciter à prendre le contrôle sur certains problèmes et sur une possible peur de l'inconnu dans votre vie. Il existe un nombre illimité de possibilités de croissance lorsque nous nous ouvrons à toutes les connexions entre nos différents objectifs et je pense qu'entretenir
notre capacité à voir ces connexions abstraites peut se révéler un outil inestimable aux échecs comme dans la vie.
A plusieurs moments de ma carrière, de subtiles nuances psychologiques se sont fait ressentir à la fois dans ma vie personnelle et sur l'échiquier. C'est arrivé une fois, par exemple, lorsque j'avais 19-20 ans et que j'habitais avec mon ex-compagne dans un petit village de Slovénie appelé Vrholvje. Nous habitions avec sa famille dans leur joli village de montagne, souvent emprisonné dans le brouillard et donnant sur une splendide vallée couverte de cerisiers. Mon style de vie était alors simple et intense. J'étudiais les échecs, lisais, écrivais, faisais de longues balades en forêt à écouter les oiseaux et quelquefois les cassettes de Jack Kerouac, lisant sa poésie sur fond de blues improvisé et sentimental. Je passais des heures assis près de la grotte fabuleuse d'un ours sur le versant supérieur d'une immense vallée, à méditer et à contempler les faucons s'envolant en dessous de moi. Je suis tombé amoureux de la vie dans ce village et mon emploi du temps était généralement de passer 3 semaines à Vrholvje puis de partir, seul ou avec ma compagne, pour un tournoi de deux semaines en Grèce, à Amsterdam, à Budapest, en Allemagne, en Italie ou en Croatie, puis de revenir en Slovénie pour une nouvelle période d'introspection. Inévitablement, Vrholvje est devenu ma maison et, dans un élan d'amour puéril, j'étais constamment déprimé durant les premiers jours des tournois. J'étais en voyage, loin de mon Amérique natale, et quand je m'installais en Slovénie je devais être moi-même et commencer une nouvelle aventure qui, psychologiquement, revenait à avancer à travers une brousse sauvage. Rien de tout cela ne semble contre nature étant donnés les complexes typiques des jeunes hommes et femmes romantiques, mais ce qui peut être surprenant est la manière dont mes difficultés à m'adapter à des situations nouvelles ont affecté mon jeu. Jugez-en par vous-même.
Les moments de transition sont difficiles pour chacun d'entre nous. Que le changement concerne la perte d'un être aimé, l'échec d'un mariage ou le bouleversement plus banal lié à un déménagement, un nouveau travail ou l'entrée dans une nouvelle école, le sentiment d'être déraciné, de ne pas posséder de base solide dans un nouveau monde inconnu, met à l'épreuve notre sens fragile du contrôle et peut soit nous mener à l'exaspération nerveuse totale ou nous inspirer une immense créativité. Lorsque je vivais en Europe, j'ai été confronté aux deux aspects de cette équation ; mais j'ai surtout retiré de cette expérience une meilleure compréhension de la nature transitoire inévitable qui dirige notre vie. Nos points de repère se situent toujours dans le passé. Il y aura toujours des moments où nous nous sentirons perdus dans l'espace et une grande partie de nos vies professionnelle, artistique et compétitive sera déterminée par notre réaction face à ces moments.
Je pense que la plupart du temps le changement nous fait peur alors que nous pourrions considérer l'inconnu comme une chance d'acquérir de la maturité ou de développer notre créativité. Pensez à tous ces moments où l'inattendu a croisé votre route et où, au lieu d'essayer d'en savoir plus, vous avez tourné le dos ou émis un jugement sévère. Si nous ne comprenons pas quelque chose, notre instinct nous commande de l'ignorer ou de le rejeter car dans notre structure logique nous ne disposons d'aucun tiroir où ranger cet événement. Les nouvelles idées font peur mais elles peuvent aussi être enivrantes. Imaginez que votre esprit est une sphère flottante et que votre corps est un énorme globe contenant une grande partie de la sphère, ne laissant qu'une infime partie de votre conscience libre de recevoir et de produire de nouveaux phénomènes. Essayez réellement d'envisager votre conscience sous cet aspect physique. A présent, imaginez que le globe s'éloigne de votre sphère et essayez de ressentir ce sentiment d'ouverture totale à toutes les nouvelles sensations de la liberté psychique. N'est-ce pas une image tentante ? De quoi avez-vous peur ?
Je me souviens d'une promenade autour d'un lac à Bad Wiessee (Allemagne) avec mon très cher ami Maurice Ashley. A cette époque, je vivais en Slovénie, et Maurice et moi nous étions retrouvés en Allemagne pour participer à un tournoi de deux semaines (la partie contre Pavel Blatny mentionnée fut disputée lors de la dernière ronde de ce tournoi). Il venait de New York et moi de Slovénie : la réunion de deux âmes perdues. Nous discutions de nos vies. C'était une époque maussade pour moi. J'apprenais la vie, loin de chez moi et j'étais dans le tumulte d'une relation à distance. Tous mes liens avec les êtres aimés semblaient plus appartenir à la fiction qu'à la réalité. J'étais jeune et sur les routes depuis tellement longtemps que l'Amérique n'était plus pour moi qu'un vague souvenir. Je me souviens avoir dit à Maurice que je ne voyais pas comment toutes les complications de ma vie pourraient engendrer le bonheur. Partout il n'y avait que nuages et je n'arrivais pas à échapper à la mélancolie. Lorsque j'ai terminé d'expliquer ceci, Maurice s'est mis à parler. J'ai regardé le sommet enneigé de la montagne de l'autre côté du lac et me suis souvenu de l'histoire d'un garçon essayant de voir par-dessus une colline. Bien qu'il levât la tête et qu'il usât de son imagination, il lui était impossible de savoir ce qui se trouvait de l'autre côté de la colline ; jusqu'au jour où il l'escalada et ce qui se trouvait derrière lui apparut clairement. Cette simple image m'a toujours été très utile dans les moments d'obscurité. Nous observons le monde depuis la hauteur que nous avons escaladée mais pas de plus haut. Et demain, nous aurons une autre perspective.
L'acceptation de l'absence fondamentale de racines de notre conscience peut nous aider à comprendre la lutte et le mystère de la vie au lieu de nous raccrocher à des réponses et des points de repère bien connus. Pour un joueur d'échecs, il est absolument nécessaire de suivre le rythme du jeu. Ma grand-mère me disait toujours de me comporter comme une feuille volant au vent, de danser sur les courants que beaucoup d'entre nous sommes trop fermés pour seulement remarquer. Lorsque nous recherchons sans cesse un jugement, une étiquette à placer sur une position aux échecs ou sur un moment de la vie, nous risquons alors de laisser échapper les nuances uniques de l'instant présent. Lorsque nous agissons comme des récepteurs ouverts, nous pouvons nous immerger dans la beauté de la vie à chaque instant.
La façon dont l'être humain réagit au sentiment d'être perdu dans l'espace peut forger ou briser la carrière d'un artiste ou d'un compétiteur. Et je recommanderais à chacun d'envisager le moment présent d'une façon qui l'aide à combattre la complexité de l'attachement matériel ou de l'égoïsme. Si nous ne croyons pas en notre capacité à fonctionner sans le filet de sécurité que représente notre mémorisation d'un certain nombre d'ouvertures ou de nous trouver dans une structure de pions que nous connaissons bien, nous serons alors complètement perdus lorsque l'inconnu se présentera. D'un autre côté, si nous nous concentrons sur le moment présent et que nous explorons avidement chaque nouvelle situation qui se présente, nous posséderons alors une plus grande faculté d'adaptation. Plus nous restons attachés au passé, plus il nous sera difficile de comprendre le moment présent. Si, en tant qu'artistes, compétiteurs ou êtres humains, nous pouvons saisir le moment présent, je pense que nous en retirerons beaucoup de joie et de satisfaction. Voici quelques exemples de positions aux échecs qui me paraissaient tellement bizarres qu'il me semblait flotter, avec plus ou moins de succès, comme dans l'espace. Vous remarquerez que le facteur décisif n'était pas tant ma capacité à jouer aux échecs qu'une certaine paix de l'esprit devant des situations inhabituelles.
Quelle est votre attitude face à la peur ? Vous sentez-vous pris au piège comme le cerf aveuglé par la lumière des phares ou faites-vous face au danger ? De quoi avez-vous peur ? Etes-vous enclin à vous dérober ou à réagir devant les épisodes de votre vie qui vous dérangent ? Ces questions peuvent vous paraître étonnamment personnelles pour un essai sur les échecs, mais elles sont des plus pertinentes si vous souhaitez exceller dans tous les domaines. En compétition comme dans la vie, c'est la pression qui nous guide. Je pense qu'il est important d'aborder ces problèmes d'une manière saine et introspective avant que les choses ne s'aggravent, de façon à ce que nos décisions ne soient pas régies par nos craintes.
A mesure que votre carrière de joueur d'échecs progresse, vous allez rencontrer nombre d'adversaires qui se seront tout particulièrement préparés pour vous affronter. Ils observeront votre personnalité et essaieront de la modeler dans un schéma de partie qui annihile vos points forts et porte vos faiblesses en exergue. Si vous faites preuve de sang froid, ils vont s'orienter vers des positions extrêmement complexes où vous devrez à tout prix garder votre calme devant l'inconnu et suivre votre intuition au travers de complications labyrinthiques. Si vous êtes excessivement abstrait, votre adversaire essaiera de rendre le jeu le plus concret possible en vous donnant des problèmes à résoudre. Si vous êtes impatient, les grands joueurs vous attireront dans des parties fermées et positionnelles. Les joueurs d'échecs sont de fins psychologues et ils saisiront la plus petite nuance de votre caractère. Et vous ferez de même.
La plupart des joueurs préfèrent avoir l'initiative plutôt que de subir une attaque. J'en fais partie. Sentir le vent dans votre dos est une sensation des plus grisantes et peut parfois vous donner assez de dynamisme pour neutraliser votre adversaire. Mais il est également important de ne pas perdre conscience du danger inhérent au statut d'attaquant. Si la position est à peu près égale et que vous tentez quelque chose à partir de rien, vous prenez le risque d'en faire trop et d'affaiblir l'équilibre de votre position. De plus, pour rester dans l'image du vent, si vous êtes au beau milieu d'un sprint, vous risquez fort de passer à côté de choses qu'il vous aurait été facile de voir à un rythme plus posé. Vous vous exposez ainsi à perdre le contrôle si une bourrasque inopinée vous force à courir plus vite que prévu. Le défenseur peut parfois être à l'origine de cette petite bourrasque. Le rôle du défenseur ne se limite pas à arrêter l'attaquant. Au contraire. Il est parfois beaucoup plus judicieux de le laisser faire et de l'aider.
Même si vous préférez attaquer, il y a inévitablement des moments où vous devez défendre. Cela ne signifie pas pour autant que les choses ont tourné à l'avantage de votre adversaire. Anatoly Karpov a passé toute sa carrière à repousser les attaques bâclées d'adversaires trop zélés. Mais cela signifie que les enjeux de chaque décision sont élevés. Dans ces moments-là, il est important d'être conscient des forces et des faiblesses inhérentes à l'attaque de votre adversaire. J'ai présenté les mêmes idées dans la partie annotée appelée "Espace arrière libre". Je vous recommande d'étudier cette leçon pour vous familiariser avec la manière de remarquer les espaces vides sur un échiquier. Chose étrange, ce concept est la clé de la gestion de l'agressivité. Lorsqu'un prédateur renifle l'odeur du sang et qu'il fond sur vous, il y a fort à parier que sa vitesse lui fera commettre quelques négligences, mais vous devez faire preuve de discernement pour repérer ses faiblesses parmi ses passions.
Conscience. Présence. Sensation du courant de la partie. Toutes ces notions amènent à un état d'alerte accru lorsque la bataille est lancée. Certains joueurs d'échecs paniquent lorsqu'arrive le danger. D'autres dressent simplement l'oreille comme un chat à l'affût. La peur est la réponse la plus naturelle au danger et nous devons chercher non pas à l'éviter mais à la comprendre. Nous devons tirer des leçons de ces instants que nous ne contrôlons pas. Nous pouvons nous nourrir du chaos. Voici quelques parties dans lesquelles j'étais sujet à des attaques et où j'ai réagi avec plus ou moins de succès.
Deux individus assis l'un en face de l'autre en silence. Séparés de quelques mètres, chacun peut sentir l'autre et entendre sa respiration. Ils sont tous deux intensément concentrés sur l'espace qui les sépare. Parfois, l'un relève la tête en espérant pouvoir déchiffrer chez l'autre une explication, une humeur, une idée. Parfois, leurs regards se croisent et l'un détourne les yeux avant d'en révéler trop. Des heures passent. Ils transpirent tant ils sont tendus et ont envie de triompher. Ils atteignent leurs limites. Les corps sont séparés par une table mais les esprits dansent dans un rêve commun jusqu'à ce que les corps disparaissent ; et il ne reste plus que la pensée et l'émotion, ainsi qu'un voyage partagé dans une jungle de complexité.
Il s'agit d'une partie d'échecs. Il est rare que deux êtres humains, à part les amoureux, partagent une telle intimité. En tant que joueur, chacun apprend le rythme de l'autre. Je dois découvrir et éviter chaque piège que me tend l'autre. Il doit contrer chacune de mes attaques avant même leur commencement. Je commence à ressentir ce qu'il pense, alors qu'il est intensément concentré. Si je vois quelque chose qui me fait peur, il ressentira ma réaction et recherchera mon point faible. S'il existe une tactique facile qu'il est trop concentré pour remarquer, je dois rester immobile pour éviter tout mouvement qui lui ferait reprendre conscience. Si je transpire, il alimentera ma peur. S'il est satisfait, j'en chercherai la raison.
Nos esprits étant tellement liés, nous voyons et manquons les mêmes choses. Il est courant pour deux joueurs de partager un même aveuglement ou une même évaluation erronée car leurs esprits sont liés par une même concentration qui les mène dans la mauvaise direction. Peut-être sommes-nous tous les deux en train de penser que je vais gagner à cause de l'évolution émotionnelle du jeu alors qu'en fait mon attaque est hasardeuse et qu'il est bien meilleur que moi. Dans de tels moments, l'évaluation objective est presque secondaire à la réalité émotionnelle. S'il pense qu'il joue moins bien, alors il ne dispose peut-être pas du sang-froid nécessaire pour avoir un jugement impartial.
A 19 ans, j'ai eu l'honneur de passer une semaine à travailler dans une totale ouverture d'esprit avec le Grand Maître Victor Kortchnoi chez lui à Wohlen en Suisse. Pour ceux qui ne connaissent pas Kortchnoi, il est l'une des légendes vivantes du monde des échecs. Homme brillant, plein d'entrain, ayant du tempérament, qui ne remet jamais son idéalisme en question, Victor a charmé et bouleversé le monde des échecs pendant plus de 60 ans. Agé aujourd'hui de plus de 70 ans, il est encore l'un des meilleurs joueurs du monde. Mais dans sa jeunesse, Victor a été un sérieux challenger au titre de champion du monde et beaucoup le considéraient comme le meilleur aficionado de fin de partie de l'histoire des échecs. Durant cette semaine passée ensemble, nous passions sept ou huit heures par jour à discuter, à étudier mes jeux, à analyser les positions de fin de partie, à jouer aux échecs rapides (blitz) ; mais surtout, nous discutions de la philosophie des échecs et j'ai ainsi pu goûter à la sagesse de l'un des derniers sages vivants du monde des échecs. Victor m'a ébloui par son analyse fluide et passionnée. Lorsque j'attaquais ses positions, il enrageait, se rapprochait de l'échiquier, bombait la poitrine et me hurlait de brillants mouvements. Puis, après avoir tapé sur l'échiquier avec une pièce pendant une demi-heure et tel un saxophoniste à bout de souffle, il levait la main et restait immobile pendant 6 ou 8 minutes ; il faisait régner le silence et moi j'attendais, le souffle court, de voir ce qui allait se passer, et après ce qui semblait avoir duré une éternité, il déplaçait un pion d'un mouvement qui semblait venir d'une autre dimension. A certains moments de notre analyse, je pouvais sentir la combinaison de ses 60 années d'étude ardue des échecs et d'un intense engourdissement de l'esprit se manifester dans un seul mouvement. Et c'est uniquement dans ces moments-là que j'ai été confronté au mystère sans fin des échecs.
Durant cette semaine passée avec Kortchnoi, et surtout grâce à son incroyable sincérité, j'ai eu l'impression de disposer d'une fenêtre ouverte sur l'un des esprits les plus captivants du monde des échecs. Victor m'a raconté son émigration d'Union soviétique, sa souffrance et les années passées sans jouer aux échecs. Il m'a raconté des anecdotes à propos de Tal, Petrosian et Spassky, d'anciens champions du monde qu'il connaissait personnellement et qu'il avait battus lors de matchs en privé. L'une des plus fascinantes discussions que Victor et moi avons eue concernait la connexion psychologique existant entre les joueurs d'échecs. Durant ses années de participation aux championnats du monde, Victor a joué contre tous les grands noms de son époque et l'émotion était toujours au premier plan de toutes ses descriptions, ainsi que l'importance de remporter le duel psychologique. Victor parlait longuement de la tendance à "voir ce que voyait l'adversaire" et de la capacité de certains joueurs à contrôler ce que voyait leur adversaire, et Victor est très franc dans ses descriptions. "Tal était un hypnotiseur" m'a-t-il dit. Au début, j'ai pensé qu'il exagérait, mais ensuite Victor m'a raconté une histoire où il se trouvait dans un restaurant en Europe avec Tal. Le serveur se trouvait à l'autre bout de la pièce, le dos tourné aux Grands Maîtres, servant de l'eau à un client. Tal a dit "regarde" et s'est mis à fixer le serveur de son regard que je sais être très intense. Le serveur a posé la carafe d'eau, s'est retourné et s'est précipité vers la table de Tal.
Ceci peut vous sembler un peu extrême mais si vous avez déjà étudié les parties de Tal, vous avez sans doute été impressionné par son intelligence remarquable mais aussi par l'inaptitude totale de ses adversaires (y compris de Grands Maîtres) à maîtriser la défense. Ses assauts les plus incroyables étaient souvent hasardeux et l'étudiant peut parfois ressentir l'apparition d'un voile entre l'adversaire de Tal et la suite de la partie. En ce qui me concerne, j'ai trouvé l'étude des jeux de Tal très frustrante car les défenses semblaient extrêmement évidentes d'un point de vue extérieur au tumulte émotionnel du jeu. Les meilleurs joueurs d'aujourd'hui, comme Kasparov, Anand et Kramnik, possèdent une plus grande objectivité qu'ils appliquent à leur jeu, mais cette évolution des échecs est probablement due à l'influence des ordinateurs dans la préparation et le jeu de haut niveau.
Kortchnoi parle avec une grande conviction de la capacité hypnotique de Tal. Vous pouvez avoir des doutes mais Tal et Kortchnoi n'étaient pas les seuls meilleurs joueurs concernés par de tels sujets. Une fois, Karpov a engagé un hypnotiseur et l'a fait s'asseoir dans le public lors d'un match de championnat du monde contre Kasparov. Et Kortchnoi m'a raconté l'histoire fascinante de Boris Spassky jouant tout un match contre lui, assis loin de la table et regardant l'écran de démo. Spassky était l'un des champions du monde les plus charismatiques, et un tel comportement n'était pas rare venant de lui. Apparemment Spassky a agi ainsi pour déconcerter Kortchnoi, qui était préparé et habitué à ressentir la présence de son adversaire. Soudain Victor se retrouvait là, tout seul, et Spassky s'était préparé pendant des mois pour affronter cette nouvelle situation compétitive. De plus, Kortchnoi pense que Spassky voulait être personnellement plus objectif et moins influencé par l'état émotionnel de Victor. Kortchnoi m'a dit qu'il était tellement déconcerté qu'il a demandé à l'arbitre du tournoi d'obliger Spassky à s'asseoir. Bien entendu, il était impossible d'appliquer une telle règle et Spassky avait déjà remporté l'avantage avant même que le jeu ait commencé.
De telles tactiques peuvent sembler étranges pour un débutant, mais lorsque vous aurez ressenti l'intensité des parties d'échecs de longue durée et la tension de deux forces qui s'opposent, vous comprendrez la nécessité de trouver n'importe quel moyen susceptible de vous donner l'avantage. Mais des méthodes telles que les tactiques de Spassky et l'esprit de pénétration de Tal doivent être envisagées littéralement lorsqu'on les applique à nos propres vies de compétition. Le point crucial n'est pas le mécanisme en lui-même mais la réalité de la connexion existant entre les adversaires. Et encore une fois, je pense que la meilleure façon de gérer cette réalité est de rester présent. Lorsque vous vous trouvez en proie à une forte émotion, essayez de retrouver votre lucidité. Si vous êtes profondément concentré et que vous ne parvenez pas à trouver de réponse, allez vous passer de l'eau fraîche sur le visage ou montez un escalier en courant ; les choses devraient ensuite devenir beaucoup plus claires. Dans ma carrière, il m'est très souvent arrivé d'être incapable de trouver une solution ; dans ces cas-là, il me suffisait de m'éloigner de l'échiquier, de boire un verre d'eau ou de me changer les idées et soudain la solution m'apparaissait clairement. Quelquefois, nous nous obstinons à regarder à gauche alors que nous devrions regarder à droite. Et souvent, nous nous concentrons sur les détails alors que c'est le premier mouvement de notre calcul qui constitue notre erreur. Quelquefois, les deux joueurs sont attirés dans une même direction et le jeu va suivre cette voie, alors qu'il leur suffirait d'une nouvelle perspective pour modifier totalement l'affrontement. Encore une fois, si vous pouvez revenir à la réalité et échapper à l'inertie, vous aurez une vue plus claire du jeu. Voici quelques exemples de parties que j'ai disputées et au cours desquelles l'un des joueurs ou les deux étaient incapables de voir ce qui était évident.
Si cela ne vous dérange pas de me suivre sur une voie qui peut paraître inhabituelle, prenez un moment, détendez-vous et concentrez votre attention sur votre respiration. Essayez de chasser vos pensées et de vous concentrer uniquement sur chaque inspiration et expiration. Contentez-vous d'observer le flux et le reflux de l'air qui entre et sort de votre corps. Si vous vous rendez compte que votre esprit commence à vagabonder, concentrez de nouveau votre attention sur votre respiration. Le moment critique de la méditation n'est pas la perte de concentration mais le retour à l'instant présent. Alors ne vous sentez pas frustré si vous réalisez que votre esprit s'égare, revenez tout simplement au moment présent. Faites cela pendant quelques minutes avant de poursuivre la lecture de cet essai. Cela ne sera pas long et illustrera de manière expérimentale ce que je suis sur le point de décrire.
Etait-ce difficile ? Pour ceux d'entre vous qui ne sont pas familiers avec l'art de la méditation, je suppose que vous avez dû trouver compliqué de tout simplement observer sans subir l'interférence de pensées quelconques. Avec le temps, cette démarche devient plus facile et en vaut la peine. Lorsque j'ai commencé à méditer, je ne pouvais pas tenir plus de dix secondes avant que mon esprit ne se détourne vers des pensées sans intérêt. Quelquefois, il me fallait même plusieurs minutes avant de me rendre compte que j'étais effectivement en train de réfléchir. Ceci est parfaitement naturel. Il est absolument étonnant de réaliser le peu de contrôle que nous exerçons sur notre cerveau. Lorsque l'on apprend à méditer (ce que je recommande vivement), on peut comparer le processus au domptage d'un étalon sauvage. Tout d'abord il erre en liberté, sans notion de compagnie humaine, puis avec le temps il commence à se stabiliser, à lier sa volonté à celle d'un autre. Il y aura des moments de rébellion, des escapades vers des territoires lointains, mais petit à petit, ces incursions incontrôlées se feront plus brèves et plus rares. Enfin, l'union du cheval et du cavalier est comparable à celle de la respiration et de la conscience ; et c'est alors que le moment présent se révèle.
J'ai décrit comment ma relation au jeu d'échecs est étroitement liée à ma quête concernant d'autres aspects de la vie (voir l'essai d'introduction "Moments de transition"). Lorsque j'apprends quelque chose ou que je vis une expérience très forte concernant la mer, l'écriture ou la pluie, j'établis toujours le parallèle avec ma vie de joueur d'échecs. Lorsque j'étudie minutieusement des finales Pions/Tour, cela m'ouvre toujours de nouvelles perspectives dans mon exploration du Tai Chi Chuan, de la philosophie ou des relations humaines. Peut-être la connexion aura-t-elle de l'effet à cause d'un sentiment commun dont j'ai fait l'expérience ou de la sensation croissante que ce que je ressens est la nature des choses ; peut-être qu'un motif physique similaire émergera ou que je remarquerais une tendance psychologique en moi-même qui oriente tous mes choix. Ce n'est pas que je recherche ces connexions mais plutôt que je reste réceptif à celles-ci ; et toutes mes années d'étude des échecs, du Tai Chi Chuan et de la vie ont été guidées par cette approche. Je travaille actuellement à l'écriture d'un livre qui explore plus en profondeur cette vision du processus d'apprentissage, mais pour le moment, je me contenterai d'exprimer le sentiment que lorsqu'une personne atteint l'essence même d'une position aux échecs, par exemple, la découverte dépasse le domaine spécifique étudié et peut s'appliquer à d'autres domaines. Il n'existe pas de meilleur exemple de facteur qui m'ait aidé dans tous les aspects de ma vie que mon développement autour du thème du moment présent.
Combien de fois vous est-il arrivé d'être de mauvaise humeur et de vous en prendre à quelqu'un qui ne le méritait pas ? Combien d'heures ou de jours avez-vous passés à essayer de résoudre un problème en vous dirigeant dans la mauvaise direction ? Combien de temps avez-vous consacré à des relations ou à un travail qui ne vous rendent pas heureux, cherchant à obtenir quelque chose qu'en fait vous ne désirez pas du tout ? N'aurait-il pas été plus facile de réaliser que vous aviez faim parce que vous aviez besoin de manger et que votre taux de sucre dans le sang était faible ? Ne serait-il pas utile, au lieu de gâcher des années à suivre la mauvaise voie, de vous demander ce que vous désirez réellement ? Quel est le point commun à toutes ces questions ? Le besoin irrépressible de l'instant présent, l'étonnante facilité de la vie lorsque nous faisons exactement ce qui nous plaît, la valeur d'une prise de conscience introspective immédiate.
Comme je l'ai déjà mentionné, le moment crucial de la méditation n'est pas la perte de concentration mais le retour à l'instant présent. La vie n'est pas parfaite et nous réserve toujours des difficultés. Nous ne pouvons pas toutes les éviter mais nous pouvons apprendre à gérer les situations difficiles. Par exemple, il y aura toujours des moments où vous serez de mauvaise humeur. Si vous réussissez à comprendre que vous êtes furieux, non pas parce que tout le monde autour de vous est malveillant mais parce que vous êtes d'humeur sombre, alors vous parviendrez à gérer vos problèmes intérieurs (vous reconcentrer sur votre respiration, si vous préférez) au lieu de gâcher des relations ou d'autres aspects de votre vie en blessant les gens qui vous entourent. En d'autres termes, si vous êtes lucide sur la cause réelle d'une situation, par opposition au résultat émotionnel de cette cause initiale, alors vous pourrez supprimer le temps gâché ou destructif consacré au processus d'apprentissage, à des relations ou à toute autre cause. Cultiver votre capacité à déterminer de façon instinctive la cause réelle de vos humeurs équivaut à vous reconcentrer sur votre respiration en méditation, et passer trois jours de mauvaise humeur sans même essayer de réfléchir à ce qui vous contrarie réellement revient à laisser votre esprit vagabonder sans but avant de vous reconcentrer sur votre respiration.
Comment tout cela est-il lié aux échecs ? De toutes les façons possibles. Une partie d'échecs, tout comme la vie, est faite de hauts et de bas. Nous sommes parfois confrontés à des situations chaotiques ; nous ne pouvons pas éviter toutes les positions compliquées, mais nous pouvons apprendre à être à l'aise face à l'inconnu, à affronter le moment présent sans nous préoccuper du passé. Le compétiteur obstiné perd tous ses moyens s'il ne peut pas tout contrôler alors que le joueur plus malléable relève le défi, même lorsque tous ses plans semblent avoir échoués. Quelle est la différence ? La prise de conscience du moment présent en opposition à l'attachement au passé. Voici quelques exemples concernant les échecs :
-- Vous bénéficiez d'une meilleure position, vous commettez une erreur, puis vous êtes à égalité avec votre adversaire. Si vous êtes conscient du moment présent, vous recommencez tout simplement depuis le début. Si vous êtes obsédé par l'idée que vous possédiez l'avantage, vous vous acharnerez en vain et plongerez dans la spirale infernale qui vous mènera tout droit à la défaite, comme je l'ai expliqué précédemment.
-- Vous vous trouvez dans une lutte stratégique lente qui explose soudain en chaos tactique avant que vous n'ayez eu le temps de terminer le déplacement abstrait de votre Cavalier. Terminez-vous le déplacement ou essayez-vous de gérer la nouvelle situation ? Ceci fait écho à la discussion sur les moments de transition. J'aimerais que vous remarquiez à quel point le moment présent s'infiltre dans tous les aspects de cet essai.
-- Au moment crucial de la partie, alors que vous êtes en pleine concentration, une personne dans le public froisse un papier ou murmure bruyamment. Cela vous distrait, vous exaspère, et avant même que vous ne vous en rendiez compte, tout votre être est envahi par le bruit du froissement du papier. J'ai vu des championnats du monde perdus à cause de telles banalités. Relaxez-vous. Inspirez profondément. Revenez au moment présent, dites-vous que ce papier n'a aucune importance et reconcentrez-vous sur le jeu. La concentration et le moment présent sont inextricablement liés l'un à l'autre. Cet exemple s'applique particulièrement aux personnes qui éprouvent des difficultés à s'endormir. Beaucoup d'insomniaques se concentrent sur un bruit mineur jusqu'à ce que celui-ci devienne aussi assourdissant que le bruit d'un train. Il est toujours possible de se dire qu'en fait, il n'y a aucun train dans la pièce, tout juste quelques grillons dehors, et de pouvoir ainsi profiter d'une bonne nuit de sommeil.
-- Souvenez-vous de la partie m'opposant à Nguyen lors des championnats du monde des moins de 18 ans, de la section sur la connexion psychologique. Si j'avais "fait surface", j'aurais pu facilement voir sa Tour isolée, mais j'étais tellement concentré que je me suis éloigné du moment présent.
-- Vous étiez largement en tête avec seulement deux manches à disputer mais vous venez de perdre la dernière partie et êtes maintenant au coude à coude pour la première place. Allez-vous jouer la finale en déprimant à cause de votre défaite au match précédent ou allez-vous jouer comme un champion sur le point de battre tous les records ? Pour comprendre comment toutes ces situations aux échecs reflètent d'autres aspects de la vie, pensez au base-ball. Lorsqu'un grand batteur a déjà manqué 2 balles, s'obstine-t-il à frapper fort sur sa dernière balle ou se concentre-t-il sur la balle quittant la main du lanceur ? Michael Jordan pense-t-il au dernier lancer franc manqué lorsqu'il s'apprête à en effectuer un autre ?
-- Vous étiez absorbé dans des calculs extraordinairement compliqués et étiez convaincu de remporter une grande victoire tactique, mais à présent la lutte a changé et la partie est bloquée. Vous désirez sacrifier une pièce pour faire bouger les choses ; est-ce le mouvement requis ou vous laissez-vous guider par un rêve lointain ? Combien de fois nous laissons-nous guider par de telles illusions ?
Ce ne sont que quelques exemples de la façon dont l'amélioration de votre capacité à revenir à l'instant présent ou à y demeurer, peut avoir un effet révolutionnaire sur votre carrière compétitive. Comme vous le constaterez dans la partie suivante, la capacité d'une personne à s'adapter au moment présent peut constituer le facteur déterminant dans les compétitions d'échecs de haut niveau. Mais l'essentiel est de comprendre que la culture du retour au moment présent peut vous aider dans tous les autres aspects de votre vie. J'ai souvent remarqué que l'inertie est l'une des forces les plus difficiles à dominer, et la plupart des gens, moi y compris, ont tendance à se laisser emporter par le rythme effréné de la vie. Notre monde aujourd'hui semble défini par des valeurs ou croyances personnelles non remises en cause, une introspection quasi inexistante, un matérialisme rampant et une propension à la violence ; mais il nous suffirait de nous réveiller pour mettre un terme à tout cela. Nous semblons nous précipiter vers le futur, bien que notre précipitation nous entraîne dans une direction que nous aimerions éviter et que nous pouvons éviter. En tant qu'individus, notre succès créatif et notre bonheur personnel sont en jeu ; et, en tant qu'êtres humains, notre précieux environnement et la paix dans le monde sont en jeu. En tant que joueur professionnel, je sais que le seul obstacle entre la clarté et l'obscurité réside souvent en l'étrange difficulté de revenir au moment présent. N'est-ce pas également le cas dans les autres aspects de notre vie ? En tant qu'individus, en tant que nation, dans un monde chaotique, je pense que cela pourrait nous faire du bien à tous d'inspirer profondément et de revenir à nos sens.
Je n'ai pas voulu limiter ce cours à la présentation des règles du jeu d'échecs ou à des observations psychologiques. J'ai également souhaité inculquer une méthode universelle d'apprentissage qui va bien au-delà de l'échiquier. J'ai tout particulièrement souligné ma thèse dans les sections "Présence" et "Moments de transition", mais, du moins à mon avis, nombre d'autres éléments de l'expérience des échecs sont étroitement et harmonieusement liés à la quête de notre vie. Je suis impatient de connaître votre sentiment sur la question. De plus, si vous avez des suggestions pour d'autres thèmes de formation, n'hésitez pas à m'envoyer un courrier électronique à Chessmaster@ubisoft.com et j'étudierai vos idées.
Avec mes sincères remerciements,
Josh Waitzkin
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